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Vie des Arts #222, Printemps 2011 Par John K. Grande

Victoria Block & Alain Salesse Surface Portantes

Victoria Block est alternativement perçue comme une paysagiste et une céramiste, et pourtant son art touche aux aspects les plus subtils de la perception, notamment ses paysages sont comme une fenêtre ouverte sur le monde.

Ce qui est frappant à la vue de ces peintures à l'huile à grande échelle, est l'interprétation incroyablement subtile que fait Block du paysage. Peints alternativement dans la région de la Rivière Rouge au Québec et à Ithaca, au nord de l'état de New York, ces paysages sont saisissants tant par leurs effets sensoriels et optiques que par leur contenu. Bien qu'ils ne soient pas directement comparables, l'art de Block pourrait être relié aux nénuphars de Claude Monet, ou même aux plus récents paysages de Gordon Smith. Smith et Monet, tout comme Victoria Block, ne peignent pas vraiment une scène ou un espace réel.

On remarque notamment dans des peintures comme July Afternoon (2007) que le paysage est un prétexte pour des œuvres totalement abstraites. L'art comble le fossé entre les mécanismes de perception - que nous possédons tous, et le "sujet" externe de notre perception, ce qui est à l'extérieur. À l'instar de Claude Monet, le jardinage est pour Victoria Block un héritage familial, et elle est passionnée par tout ce qui attrait à la nature.

Cette nature devient un paysage lorsque nous accordons une signification à chaque élément. Les tableaux non-encadrés de Victoria Block sont si gigantesques que vous avez l'impression de pouvoir évoluer virtuellement au sein de ces scènes. Les bords du papier fait à la main sur l'une des œuvres, rendent hommage à la nature, de par leurs limites non restreintes, ouvertes.

En utilisant du sable et du gesso, Victoria Block réalise un effet de surface très rare, si texturé qu'il rappelle les couches de matière laborieuses de l'américain Ralph Blakelock. Les effets d'optique sont du romantisme pur, élaborés de façon à ce que nous nous interrogions sur ce qu'est vraiment la nature. Le tout devient l' expression impalpable d'une perception "interne" versus une réalisation "externe". Le lien entre les deux est illusionniste, éthéré. Ni sujet ni objet, cet art porte une essence spirituelle qui nous marque par son immédiateté physique et expérimentale. Block a également créé une pièce s'apparentant à un amusant objet d'art, chaque peinture constituant une page d'un livre sur la nature..

Les œufs de Alain Salesse font tout le contraire, car ils sont basés sur l'objet, ils prennent aux œufs leur forme, comme point de départ. Formant une installation, ils constituent un univers en forme d'œufs constitué de mondes d'œufs fictifs.

Laborieusement rassemblés, et chaque pièce étant différente l'une de l'autre, les œufs d'Alain Salesse parlent de mystérieux mondes intérieurs. On regarde à travers la lentille pour voir des paysages verticaux caverneux, des mondes optiques et visuels. Le meilleur est disséqué par d'épaisses couches de verres dont les fissures, comme des lignes extérieures sur la surface de l'œuf blanc, font le lien entre l'Art et la vie.

Ce qui ressort vraiment de l'exposition Surfaces Portantes sont les travaux à l'encre subtils et sensibles de Victoria Block. L'un d'eux, Three Trunk, présente des zones colorées qui mettent en relief les strates du chaos et de la croissance de la nature. Three Trunk, comme les autres œuvres, rappelle ce que le poète romantique William Wordsworth appelait des "coins de temps", une retraite dans le théâtre de la nature, dont le calme et la sérénité contrastent avec le monde social. Vus de l'intérieur, les encre et travaux sur papier de Victoria Block sont monumentaux et rappellent ceux d'Ernest Lindner. Les couches apparaissent comme un voile, faisant partie du même cycle infini de la vie et de la mort que dans la vallée de Harrington et la région de la Rivière Rouge au Québec.

Surfaces Portantes est une exposition qui fonctionne bien, car elle présente deux visions de la beauté très différentes de deux artistes , que ce soit avec le monde intérieur des céramiques d'Alain Salesse ou les monde extérieur des paysages de Victoria Block.

 

The Canadian Jewish News, 18 Novembre 2010 par Heather Solomon

Il est rare de profiter d'une vue extérieure à couper le souffle, de pénétrer dans un bâtiment et de retrouver la même sensation à l'intérieur. L'artiste Victoria Block a réussi cette prouesse avec son exposition, en duo avec le sculpteur Alain Salesse.

Intitulée Surfaces Portantes, l'exposition a lieu jusqu'au 16 Janvier au Musée des Beaux-Arts de Mont-Saint-Hilare.

Novembre a beau avoir teinté les montagnes avoisinantes de gris, l'été de Block est en pleine floraison sur d'immenses toiles rectangulaires, la plupart non tendues, l'une d'elles mesurant 24 pieds de long, les dimensions exactes du mur de son atelier à NDG.

C'est cette dimension qui invite le spectateur à l'intérieur du paysage, non pas en tant qu'observateur mais en tant que participant. L'œuvre la plus petite est, elle, montée sur châssis, et mesure quatre pieds sur six.

"Un grande partie de mon travail découle d'anciens souvenirs, car ma grand-mère avait un grand jardin en Alabama, et ma mère a transporté quelques une des plantes qui s'y trouvaient à Ithaca, NY, où je suis née."

"Le jardinage est une tradition familiale, mais en ce qui me concerne, je préfère le peindre," déclare Block, qui a déménagé à Montréal à l'âge de deux ans, quand son père a commencé à enseigner la littérature Allemande à l'université McGill.

Influencée par les impressionnistes tel que Claude Monet ainsi que par les pointillistes dont la technique consistait à juxtaposer des tâches de couleur, laissant l'œil faire le mélange lui-même, Block applique sa peinture à l'huile couche après couche, ajoute de la texture avec du sable, du gesso et des pastels à l'huile; par des touches gestuelles qui de près s'apparentent à un fouillis abstrait. C'est quand on prend du recul que ces touches prennent comme par magie la forme d'arbres, de buissons, de fleurs et d'eau.

"Il y a à peu près 20 ans, j'ai commencé à méditer. Il y avait tant de joie quand j'étais dans cet état d'esprit, c'était comme si les formes se dissolvaient et que tout ce qui en restait étaient des lumières dansantes et des molécules. Si nous pouvions voir au delà des formes, je pense que c'est ce qui ressortirait," explique Block.

Plus tard, elle a lissé ses ciels pour finalement obtenir des formations de nuages, qu'elle capturait déjà lorsqu'elle utilisait le pastel, contrastant ainsi de manière réaliste avec la végétation texturée au sol. La ligne d'horizon entre la terre et le ciel encre toujours ses images dans le monde réel.

"Mes paysages se doivent d'être généraux, de manière à ce qu'ils évoquent à chaque spectateur un endroit qu'il connait, et à la fois assez spécifiques pour déclencher un souvenir," dit-elle. Ils resplendissent de cet "instant de la journée juste avant le crépuscule, quand la couleur devient une émotion et plus seulement une réflexion de la lumière."

Autour de quelques œuvres, les bords touffus de papier fait à la main s'harmonisent avec les textures de la nature. L'artiste a effectué un collage de papiers, de manière à ce que quatre paysages peints recto verso, chacun de deux par quatre pieds, forment un livre géant debout, ouvert sur le sol.

Cette pièce et quelques autres de cette exposition ont récemment fait partie d'une autre exposition nommée Narrations au Golf Coast Museum à Largo, en Floride, non loin de l'endroit où elle passe l'hiver pour suivre les couleurs qui abandonnent le Québec pendant les mois les plus froids.

Block est également une céramiste, en en Février, elle éclairera de son art notre ville hivernale pendant le festival Montréal en lumière, où elle exposera ses sculptures en terre-cuite semblables à des lanternes, à la galerie MX.

À Mont-Saint-Hilaire, les œufs de céramique géants de Salesse rejoignent le thème de la nature, tels des casques de plongée en mer profonde, aux intérieurs inspirés Fabergé, qui peuvent être inspectés via leurs hublots vitrés.

Une pièce voisine présente les grands dessins, très détaillés, au crayon et à l'encre de Block, représentant des arbres et des sous-bois denses, qui sont intimement reliés au corps humain, quand on considère l'écorce tortueuse, les nœuds des troncs d'arbres et les branches comme de longues jambes.

"Je commence l'un de ces dessins chaque mois de Novembre et travaille dessus quand j'ai envie d'être très au calme ou si mon esprit est trop préoccupé. Ils sont très longs à achever", dit-elle.

Ce qui fascine également dans ces dessins, c'est qu'ils prouvent qu'elle est capable d'être très détaillée et familière avec les arbres, aussi bien que de les dépeindre comme des formes solubles dans ses peintures. La vie et les couleurs de cette exposition sont exactement ce dont les Montréalais ont besoin.